Jeudi 24 septembre 2015 au soir, la salle des mariages du 14è arrondissement de Paris était pleine. Une centaine de personnes était venu assister à une conférence pour s’informer sur le TAFTA. Cette soirée était organisée par le collectif STOP TAFTA Paris 14 (regroupant plusieurs associations du 14è) suite au vœu déclarant le 14è arrondissement de Paris hors TAFTA, approuvé à l’unanimité le 11 mai 2015 par le conseil d’arrondissement.
C’est Jérémie FABRE (remplaçant au dernier moment Renaud LAMBERT) du Monde diplomatique qui a ouvert la soirée de conférence, en commençant par nous présenter ce qu’est le TAFTA, son historique et son contexte économique et social. Le jeune journaliste, peut-être pas très sûr de lui mais consciencieux, avait bien préparé son intervention, avec des exemples concrets des problèmes que pose le TAFTA pour la société civile. Dommage qu’il l’ait lue mais c’était quand même très clair.
Et donc le TAFTA c’est quoi en quelques mots ?
En 2013, l’UE et les États-Unis ont entamé des négociations en vue de conclure un accord de partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement. Ils considèrent cet accord comme une opportunité pour sortir du marasme économique de part et d’autre de l’Atlantique. Or, les risques socio-économiques et environnementaux associés à ces prétendus « bénéfices » pourraient s’avérer catastrophiques par, l’harmonisation par le bas des régulations d’un côté, et des tribunaux internationaux permettant aux entreprises de poursuivre les États pour des lois ou réglementations qui contreviendraient à leurs (possibles) profits ou investissements (lire un compte rendu sur le rapport « A Brave New Transatlantic Partnership« ) de l’autre. Nous en avons des exemples aujourd’hui avec des traités déjà existant, comme l’ALENA (traité entre Etats-Unis, Canada et Mexique) par lequel une société pétrolière a, en 2013, attaqué le Québec pour son moratoire sur l’exploitation dans la partie du fleuve Saint-Laurent située en amont de l’île d’Anticosti et sur les îles se trouvant dans cette partie du fleuve. Et réclamé 250 millions de dollars.
Une courte vidéo qui explique très bien le TAFTA en infographie (par Data Gueule)
Ensuite, ce fut au tour de Frédéric VIALE de prendre la parole. Il est juriste, membre d’ATTAC, auteur du « Manifeste contre les accords transatlantiques » (Etats-Unis et Canada) et semble bien maitriser son sujet. Il est en plus un très bon orateur. Il nous à surtout parlé de la partie la plus décriée du TAFTA : les tribunaux qui permettront aux entreprises d’attaquer les États pour perte d’intérêt de l’entreprise attaquante. Les deux principaux problèmes que posent ces tribunaux sont : ils sont privés et seules les entreprises pourront les saisir.
Le jour même de cette conférence, il a été annoncé ces tribunaux ne seraient finalement pas forcément privés. Il serait donné le choix aux entreprises de choisir leurs « juges » : les tribunaux privés OU des représentants de la justice européenne dans une liste prédéfinie (par qui ? cela n’a pas été précisé lors de la conférence). Mais la conclusion de Frédéric VIALE est, que ces tribunaux soient privés ou publiques ne change rien, le jugement sera toujours rendu sur la base de l’accord économique qui favorise l’intérêt des entreprises en premier lieu, avant les intérêts de l’État ou de la société, de l’environnement, de la santé…
De plus, parallèlement, l’accord du CETA lui (traité entre l’Europe et le Canada, aussi en cours de négociation), garde les tribunaux privés et cela n’est absolument pas remis en cause. Par le jeu des filiales, les entreprises pourront passer par le Canada pour attaquer les États européens.
Pour finir, Maxime COMBE, économiste, militant altermondialiste, membre d’ATTAC, et spécialiste du climat nous a parlé de l’aspect climatique du TAFTA. Lui aussi est très bon orateur et semble bien maîtriser son sujet.
Il a commencé par nous rappeler que les COP climatiques (Conférences des parties de l’ONU sur le climat) sont des négociations qui se déroule depuis 1992 et qu’elles visent à diminuer la production de gaz à effet de serre (GES). Or l’augmentation de 50% de ces GES (la moitié de la consommation totale du pétrole depuis qu’il est utilisé) s’est faite depuis la fin des années 80.
Il ajoute même une petite anecdote sur la sortie de la synthèse du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) de novembre 2014. Apparemment, le président F. Hollande était au Canada ce jour là pour inciter les entreprises françaises à l’exportation et l’exploitation des sables bitumineux du Canada… extrêmement polluants et producteurs de GES.
Pour Maxime COMBES, aujourd’hui, les décisions politiques sont en faveur de l’économie actuelle (i.e. libérale et capitaliste combinées), économie qui accentue la crise climatique et s’appuie sur les accords bilatéraux de libre-échange comme le TAFTA.
D’une part les négociations climatiques prévues en décembre 2015 vont s’appuyer sur un cadre de négociations qui demande (oblige ?) à ce que les accords n’interfèrent pas avec l’économie en place et les accords bilatéraux de libre-échange. D’autre part une étude d’impact commanditée par la Commission européenne reconnaît qu’une libéralisation accrue des échanges transatlantiques générerait une hausse des émissions de gaz à effets de serre de 4.000 à 11.000 milles tonnes de CO2 par an, mais cela ne serait apparemment pas pris en compte dans les négociations actuelles. Nous avons là, pour Maxime COMBES, un exemple concret de l’économie empêchant le développement de politiques écologiques fortes apportant des solutions contre le changement climatique.
Il y a ensuite eu un débat avec la salle, avec une forte demande des personnes présentes de solutions concrètes à l’échelle du citoyen, car la plupart ne croient pas au pouvoir des politiques. Certains trouvent même que les trois intervenants n’ont pas été assez vindicatifs. Le médiateur a fait remarqué qu’il ne faut pas oublier que ce n’est pas leur rôle, et qu’ils sont plus des lanceurs d’alerte.
Un constat a également été fait sur le peu de jeunes présents dans la salle. Une des réponses soumises par Maxime Combes est que la mobilisation des jeunes est plus forte pour le climat que pour le TAFTA.
De cette soirée, je retiendrais qu’il existe un lien entre économie (TAFTA) et écologie (climat) et que pour remédier à la crise climatique actuelle il faudrait agir sur le système économique actuel.
Le site de la Commission européenne sur le TAFTA
Le blog de Maxime Combes
Le dossier « Grand marché transatlantique » du Monde diplomatique
Le site du collectif STOP TAFTA